Première métamorphose

Ce soir-là, Isabeau avait décidé de profiter du retour des beaux jours et de son début de vacances pour aller se promener dans la nature. Quoique venant d’être majeure, elle avait demandé, et obtenu, la permission de ses parents pour passer quelques jours dans la montagne. Mélia avait bien tenté d’accompagner sa sœur, mais leur père, très protecteur envers ses filles, avait préféré garder la plus jeune à la maison. C’est ainsi qu’Isabeau était partie seule après le lycée. Elle était simplement passée dire au revoir à sa famille et prendre son sac à dos et sa tente, qui l’attendaient depuis la veille dans un coin de sa chambre. Elle aurait certes pu attendre le lendemain matin pour partir, mais la météo annonçait que le mauvais temps reviendrait dans quelques jours, aussi préférait-elle ne pas perdre de temps : elle adorait être dehors, et ses longues balades lui avaient énormément manqué durant l’hiver, qui lui avait paru bien long.

Aussi, c’est le cœur léger qu’elle enfourcha son vélo et partit, faisant un dernier signe d’au-revoir à sa famille. Elle se sentait d’autant plus sereine qu’elle avait bien évidemment emporté son téléphone portable, et qu’elle pourrait donc, en cas de problème, leur demander de l’aide, même si elle doutait d’en avoir besoin : son expédition lui semblait familière, même si elle savait qu’elle en profiterait pour pousser son exploration de la forêt plus qu’elle ne l’avait jamais fait.

Elle prit la direction de l’Est et s’enfonça dans la forêt, où elle préférait dormir même si ses pas le lendemain matin la dirigeraient davantage sur les pentes escarpées que sous les frondaisons. Arrivant une petite heure plus tard à la clairière qu’elle avait repérée la dernière fois, elle décida d’y monter son campement temporaire, au moins pour une nuit, car le soleil commençait à disparaître derrière l’horizon. Une fois sa tente solidement arrimée au sol, elle déposa toutes ses affaires à l’intérieur, et après avoir fait un cercle de pierres pour circoncire son foyer, elle ramassa du bois alentour et y alluma un feu : les nuits étaient encore fraîches, et puis, elle adorait regarder la danse des flammes…

C’est ainsi qu’elle s’endormit en les contemplant, assise près du feu, hors de sa tante pourtant toute proche. Elle dormit bien, faisant toutefois des rêves étranges, qui semblaient issus des contes fantastiques qu’elle avait entendus dans son enfance, comme tous les enfants du village.

Lorsqu’elle se réveilla le lendemain matin, elle eut tout d’abord une vague sensation de changement. C’était quelque chose de difficilement descriptible, comme si son odorat s’était développé durant la nuit : la première sensation de la jeune fille fut que l’herbe neuve mouillée de rosée sentait particulièrement bon. L’odeur la fit même saliver, à sa grande surprise.

Elle était couchée sur le côté, et voulu se relever. Ouvrant les yeux, elle s’aperçut qu’elle avait…des sabots !!! Et elle voyait un museau devant ses yeux, comme si sa tête avait changé de forme… Sa première pensée fut qu’elle délirait, ou qu’un mauvais plaisantin lui avait fait une farce. Mais dans ce cas, il ne devait pas être loin, pour profiter de sa réaction. Elle se mit à regarder autour d’elle, tendant l’oreille, mais ne remarqua pas âme qui vive, exception faite de quelques animaux. Mais elle doutait qu’un écureuil ait pu la déguiser en équidé…Roulant sur le ventre, elle poussa sur ses pattes, et se retrouva debout. Elle se sentait plus grande que d’habitude, comme si ses yeux avaient été plus loin du sol.

Elle s’éloigna, laissant derrière elle toutes ses affaires d’humaine, et partant à la recherche de l’auteur de son déguisement, décidée à le trouver et à le convaincre de lui ôter ces ridicules accessoires. C’était sa manière à elle de chercher à garder la tête froide, de ne pas paniquer totalement. C’est ainsi qu’elle quitta la clairière, élargissant progressivement ses recherches, tandis qu’elle se résignait à la vérité : ce n’était pas une farce, et elle s’était transformée en équidé, même si elle ne savait pas à quoi c’était du, ni surtout si elle retrouverait sa forme humaine un jour. Elle évitait de penser à sa famille, surtout à Mélia. Ils n’avaient pas fini de s’inquiéter si elle ne devait jamais pouvoir se manifester à eux… Elle était en effet persuadée que sous sa forme équine, ils ne la reconnaîtraient jamais. Cette certitude se renforça lorsque, passant devant une marre, elle aperçut son reflet… elle était une licorne !! Elle se détourna aussitôt, sans même examiner sa nouvelle apparence, comprenant qu’elle était condamnée à vivre au fond des bois, cachée à jamais des hommes qui seraient effrayés s’ils la voyaient…

Désespérée, elle avançait, la tête basse, sans même goûter à l’herbe qui effleurait son nez, sa nouvelle apparence lui ayant coupé l’appétit.

Soudain, il se mit à pleuvoir, et le tonnerre gronda au loin. Elle qui n’avait jamais aimé l’orage… sachant qu’il était dangereux de rester sous les arbres, elle prit aussitôt la direction de la montagne, partant au galop à la recherche d’un refuge car elle n’avait aucune envie d’être trempée. Après quelques minutes de course, elle dut ralentir son allure pour gravir la pente. Soudain, elle aperçu entre les gouttes qui redoublaient ce qui lui sembla être une anfractuosité dans la roche. S’approchant, elle vit qu’il s’agissait d’une grotte, vaste et déserte. Elle s’y réfugia, soulagée d’échapper à la pluie. Elle resta là, regardant l’eau tomber, sans même faire attention aux larmes qui coulaient silencieusement sur ses joues. Au bout d’un moment, elle se coucha sur le ventre et s’endormit, sans même sentir sa faim qui revenait, bien trop plongée dans ses pensées moroses pour faire attention à ce que réclamait son organisme. De toutes façons, elle était désormais condamnée à la solitude, elle qui aimait tant la compagnie… C’est sur cette dernière et triste pensée qu’elle s’endormit.

Messages : 5 Date d'inscription : 22/04/2009 Age : 40

Dernier jour de vie humaine de ce mois pour Sélène Cliona. Oui! Demain, ou plutôt dans la nuit elle se transformerait! Elle attendait toujours avec impatience le changement. Elle avait tout prévu. Étant professeur elle devait excuser ses absences. Tous les mois durant toute sa vie elle devrait s'absenter une semaine... Quelle serait son excuse ce mois-ci? Elle n'en aurait pas besoin! La période de transformation tombait à pic durant les vacances scolaires! Elle n'aurait pas toujours cette chance mais remerciait toujours le ciel quand elle pouvait vivre sa vie de licorne pendant les vacances, elle n'aurait pas à se faire porter pâle ou encore à mentir sur une autre raison. Elle pourrait vivre cela pleinement sans craindre quoi que ce soit! Elle était une professionnelle après tout et elle n'aimait pas laisser ses élèves sans professeurs durant 5 jours. Heureusement, elle n'avait pas cours avec les même classes durant la semaine. Le lundi c'était les secondes et les premières. Mardi, encore les secondes et les terminales. Mercredi, Premières. Jeudi, terminales et enfin vendredi, les terminales à nouveaux pour ceux se trouvant en anglais renforcés. Peut être en avait elle oublié, mais bref, ils ne manquaient pas non plus beaucoup de cours mais cela l'embêtait tout de même. Elle ne faisait pas ce métier pour laisser ses élèves seuls et sans professeurs. Quand elle prévenait à l'avance elle était remplacée mais elle ne pouvait pas toujours se permettre de prévenir pour ne pas attirer trop l'attention. Cette situation était compliqué mais jusqu'à maintenant tout s'était bien passé.

Il ne fallait pas non plus oublier son autre mission ici. Tenter de retrouver des licornes et autres centaures. Trouver les nouvelles générations, peut être même des anciennes et échanger avec eux sur cette expérience si spéciale.
Il y avait aussi quelque chose que Sélène Cliona attendait de cette nouvelle vie en France, la possible rencontre avec un centaure au sang pure, comme elle. Elle rêvait de tomber amoureuse et l'opportunité s'ouvrant à elle en venant ici était selon elle des plus importantes! Elle n'avait pas que cela en tête et serait ravie d'aider de jeunes licornes ou centaures dans leur toute nouvelle vie mais elle pensait aussi à elle. Elle était très romantique... Ne voulait pas d'un chevalier sur son cheval blanc, mais d'un cheval au buste d'homme... Bizarre hein? Pas tant que ça... Pas pour elle en tout cas.

20h. Elle décida de monter en voiture et de se diriger vers la montagne. Pourquoi ne pas le faire autrement? Elle était irlandaise et chez elle les voitures étaient bien plus utilisées qu'autre chose. Elle aimait d'ailleurs sa voiture... C'était son petit caprice. Gros caprice en fait puisqu'il s'agissait d'un 4*4 mais pas n'importe lequel! Non! Il s'agissait d'un 4*4 hybride presque non polluant! Moins qu'une voiture normale et fatalement moins qu'un réel 4*4. Elle en était tellement fière de son petit bijou! Enfin... Petit... Elle aurait pu vivre dans le coffre! Il y avait toutes les nouvelles technologies là dedans... Licorne oui, mais accro aux nouvelles technologies. Chacun ses défauts!
Elle monta donc en montagne et alla le plus loin qu'elle le pu sur les sentiers, s'assurant qu'elle n'abîmait rien sur son passage. Quand enfin elle ne pu plus avancer elle s'arrêta et prit soin de planquer son engin. Comment? En le camouflant, tout simplement. Elle savait que peu de gens venaient dans ce coin et si elle était découverte, ce ne serait pas grave, elle dirait qu'elle était partie camper. Elle était autorisée à venir ici, enfin, c'étaient les vacances, elle faisait ce qu'elle voulait après tout. Mais autant ne pas attirer les regards si jamais des gens venaient à passer par là sur son engin! Si par malheur quelqu'un lui infligeait un quelconque mauvais traitement ce ne serait pas en licorne qu'elle se transformerait mais en féroce féline!

Son hybride à présent bien cachée par une bâche elle prit sa tente et alla s'installer un peu plus loin.
Elle portait un vieux survêtement, un T-Shit des Clash et un gros sweat à capuches. Pas très randonneurs comme style, non, effectivement, mais elle n'aurait bientôt plus besoin de fringues alors...
Elle passa la soirée à contempler le ciel attendant tranquillement le moment où elle changerait. Vers minuit alors qu'elle commençait à bailler, elle se sentit comme tout chose. Elle entra sous la tente et prit soin de retirer ses vêtements, gardant tout de même ses sous vêtements... Ils seraient déchirés, comme d'habitude, mais elle avait ses sous vêtements spéciaux pour transformation. Des trucs en coton acheter en super marché et qui ne coutaient rien.
Elle attendit jusqu'à ce qu'elle sente cette vague de chaleur qui ne trompait pas monter en elle et sortit de la tente et la minutes d'après, elle se dressait ses ses quatre longes et parfaites jambes blanches.
Elle se mit à sourire, intérieurement évidemment, parce que les chevaux ou encore les licornes ne sourient pas pour de vrai et elle quitta le campement au grand galop ruant autant qu'elle le pouvait, trop heureuse de sentir le vent contre elle alors qu'elle grimpait encore et encore.
Pas trop haut cependant car ce dont elle avait besoin, c'était d'herbe, de l'herbe grasse et abondante! Oui!
Elle en trouva et se roula dedans, elle serait verte... Une licorne verte. Le seule problème avec sa couleur était tout de même que c'était vraiment salissant. Elle se releva après avoir roulé boulé à plusieurs reprises puis alla manger un peu plus loin.

Elle passa la nuit à grignoter un peu puis se coucha quand elle en eut assez.
Au matin, elle avait sa mission en tête, trouver d'autres créatures comme elle. Elle se leva donc et partit à leur recherche. Elle ne sentit pas grand chose au départ puis alors que l'orage commençait à gronder et la pluie à tomber fortement, elle trouva une piste qu'elle suivit. Cela la mena à une grotte, elle entra et qu'y trouva t elle? Une autre licorne blanche!
La pluie avait enlevé le plus gros des tâches d'herbe sur sa robe mais elle ne pouvait espéré être à nouveau toute étincelante, mais c'était à chaque fois la même chose, le plaisir de se rouler dans l'herbe était trop fort et elle tombait toujours dans le même panneau... Tant pis pour elle après tout.

Elle regarda la créature dormir puis un énorme éclair éclata amenant avec lui son bruit si caractéristique. Elle sursauta et ne put s'empêcher de pousser un léger cri réveillant l'autre licorne...

Comme à son habitude, Larissa arpentait les montagnes. Ce jour là elle n'était pas accompagnée de ses chèvres car celles ci auraient trouvé pour le moins étonnant (et un tantinet terrifiant) de se voir escortées par une licorne. Elle imaginait quel devait être leur agacement et leur ardeur de quitter leur enclos et de pouvoir à nouveau goûter la tendre herbe de la prairie (dont elle avait pu se rassasier une demi-heure plus tôt). Mais depuis sa première métamorphose qui remontait à huit ans, ses chères brebis avaient dû prendre le rythme !

Pour ce qui était de sa soeur, Larissa ne se faisait aucun souci ! Après tout, elle était majeur et se trouvait, à l'heure qu'il est, en cours. Après elle irait chez des amis, sortirait en boîte et passerait la nuit avec son copain. Une fêtarde, comme son père ! Au moins on ne pouvait pas lui reprocher de ne pas profiter de la vie. Du moins elle l'appréciait à sa façon. Larissa n'avait pas besoin de toute cette distraction, d'avoir autant d'intimes autour d'elle. Le seul mot qui raisonnait en permanence dans sa tête était LIBERTE. Rien n'était plus beau à ses yeux que de dévaler des pentes au galop, d'aller ou bon lui semblait quand elle le souhaitait. Oui, ca c'était la vraie vie à ses yeux. De toutes facon, les deux soeurs avaient toujours eu des besoins et désirs à l'extrème opposé. Ce n'était pas près de changer et c'était très bien comme ca. Mais la dernière fois que Larissa avait vu sa frangine, elle avait l'air étrangement distante et son regard était fuyant. Ca remontait à deux semaines environ. Et exactement 3 jours après son anniversaire. A proprement dire, elle était bouleversée. Larissa avait essayé de comprendre ce qui se passait, en vain. Puis en y repensant, elle se remémora dans quel état elle se trouvait après sa première métamorphose. En fait elle n'était retournée à la ferme que deux mois plus tard, pour être sûre de ne pas se transformer alors qu'elle préparait à manger, par exemple ! Larissa n'osait imaginer que Monica soit une licorne ! Ca lui paraissait tellement invraisemblable ! Elle conclut de la surveiller de plus près pour voir ses inquiétudes écartées. Après tout, rien n'était moins sûr. Il se pouvait qu'elle se soit pris un rateau de la part d'un des nombreux garcons qu'elles convoitait. Ce qui était beaucoup plus probable !

Restait sa grand-mère ! Malgré la force dont elle faisait preuve au quotidien, elle craignait toujours qu'il lui arrive quelquechose. A son âge avancé on ne pouvait plus se permettre d'entretenir la ferme comme elle la faisait ! De plus, les maigres ressources de la vieille femme ne lui permettaient ni l'accès aux médicaments ni de quoi se payer une femme de ménage. Fort heureusement, elle s'était toujours bien débrouillée toute seule et avait la santé d'un jeune homme de vingt ans ! Larissa s'en voulait de la laisser seule aussi souvent et de ne pas pouvoir lui fournir l'argent nécessaire pour qu'elle ait une fin de vie heureuse, elle qui avait tant souffert...Mais comment réunir autant de fonds en passant des journées entières dans la montagnes ? Larissa avait déjà pensé devenir guide. Connaissant les moindres recoins de la vallée comme sa poche, s'aurait été un bon moyen de percevoir du liquide sans trop se fatiguer..Mais pour elle, c'était se mettre aux service de gens inconnus et d'un côté ca lui paraissait inconcevable. Le temps passait, impitoyable, n'excluant aucune victime. Même sa grand-mère. Et Larissa vivait avec cette peur au ventre que la vieille femme décède d'une facon trop précoce à son goût.

Profiter du moment présent. C'était l'ordre du jour. Mais au grand déplaisir de Larissa, le temps c'était obscurcit au cours de ses réflexions. Et le tonnerre grondait déjà au loin. Ca sentait l'orage ! Elle décida de s'habriter dans la grotte la plus proche. Elle l'avait nommée "Grotte du Vieux Bouc". En effet, il y a quelques années de cela, elle y avait trouvé l'animal couché sur le flan. Il était mort, déchiqueté d'une manière répugnante...La question des circonstances de sa mort était restée en suspens. Elle l'avait juste enterré sous un amas de feuilles et recouvert sa "tombe" de fruits des bois. Après une courte prière, elle était retournée chez elle, la peur au ventre.

A la pensée de cette histoire morbide, elle frissonna. Elle était arrivée au niveau de l'entrée de la grotte. Elle s'y précipita en hennissant suite à une goutte glacée qui était tombée entre ses deux oreilles. Mais elle s'arrêta net en apercevant les étranges silhouettes qui se dessinaient au fond de la caverne. La curiosité l'emportant sur laraison, elle s'approcha lentement avant de se rendre compte qu'il s'agissait de licornes. A la pensée que l'une des deux pouvait etre sa soeur, elle laissa échapper un court "rire" chevalin.

Bien qu’endormie, Isabeau perçu un coup de tonnerre, mais ce ne fut toutefois pas ce qui la tira du sommeil. Non, ce qui l’intriguât, ce fut le léger hennissement surpris, sans qu’elle sache s’il était dû au tonnerre ou au fait de la trouver là. Ce qui paraissait certain, c’est qu’un autre équidé se trouvait avec elle.

Surprise, elle ouvrit les yeux. Quoiqu’un peu éblouie par la lumière du jour qui entrait à flots, elle discerna vaguement une forme qui se tenait près d’elle, sur sa gauche. Tournant légèrement la tête, elle s’aperçut, maintenant que l’autre animal était à contre jour, qu’il s’agissait d’une licorne, vraisemblablement couleur neige à l’origine, mais au pelage teinté de vert. Sa crinière et sa queue étaient épaisses et longues, de la même couleur que son pelage.

La jeune fille se releva aussitôt, tandis que les questions se pressaient dans sa tête. Ainsi, elle n’était donc pas la seule licorne ? Et l’autre semblait plutôt…sereine et attentive. Etait-ce parce qu’on se faisait à la forme animale ? Ou parce qu’on redevenait humain ? A moins qu’Isabeau ait été la seule des deux à être femme sous son apparence animale, et que l’autre soit une vraie licorne ? Mais alors, les licornes n’existaient pas que dans les contes ?

Elle s’approcha de l’autre. Tandis qu’elle s’approchait, elle remarqua que sa nouvelle compagne était un peu plus petite qu’elle. Elle renifla légèrement, instinctivement, cherchant elle ne savait trop quoi, peut-être une odeur humaine sous celle de l’animal, une odeur qui l’aurait rassurée… Elle chercha aussi le regard de l’autre, mais avec cette tête chevaline, c’était loin d’être évident, et la jeune fille n’arriva pas à plonger ses yeux dans ceux de sa congénère.

Soudain, la grotte, déjà peu lumineuse à cause de l’orage, s’assombrit, comme si l’entrée avait été brusquement partiellement bouchée. Entendant un hennissement tandis qu’elle relevait la tête, elle s’attendit à trouver une autre licorne. Mais elle en fut malgré tout quelque peu surprise, car une nouvelle question lui trottait dans la tête : si elles étaient si nombreuses, comment se faisait-il qu’elle n’en ait jamais croisé aucune ? Et surtout, si elles avaient toutes été femmes, comment cela se faisait-il que ces disparitions soient passé inaperçues parmi la population humaine ?

Tandis que tout cela lui traversait l’esprit, Isabeau détailla la nouvelle venue, cherchant à distinguer, par-delà les traits communs à leur espèce, ses traits propres. Ce qui lui sauta aux yeux, ce fut la couleur de ses sabots et de sa corne, qui semblaient faits d’or pur.
Isabeau était certaine de reconnaître aisément la licorne à cette particularité, ainsi qu’à sa crinière emmêlée, alors que sa queue était, au contraire, impeccablement lisse et sans le moindre nœud. Et puis, elle avait un air quelque peu farouche. C’est à cet instant que l’autre… hennit ? Cela ressemblait autant à un rire qu’à un hennissement, mais puisque tel est le terme approprié…

Ce son, quel qu’en soit le nom, associé à l’attitude globale de l’animal, fit réagir Isabeau : la licorne se cabra légèrement, soulevant ses sabots du sol de quelques centimètres, puis secoua la tête, hennissant à son tour. Sa prise de parole, sonore et claire, résonna dans la grotte, semblant se multiplier contre les parois. Elle n’était pas réellement hostile, mais plus simplement méfiante : autant celle qu’elle avait trouvé à son réveil lui inspirait confiance, autant elle prévenait simplement la nouvelle venue qu’elle la gardait à l’œil, mais ne cherchait toutefois nullement à la chasser : au fond, elle était heureuse d’avoir de la compagnie.

Sa réaction surprit la jeune fille : cela ne lui ressemblait pas, elle qui était d’habitude si accueillante… L’orage l’avait probablement rendue nerveuse. Et puis, toutes ces questions qui lui tournaient dans la tête depuis quelques heures la rendaient presque folle : ne pas savoir si elle retrouverait une existence normale lui pesait, heureusement pour sa santé mentale qu’elle y avait échappé durant son sommeil !